C’est le titre d’un texte court et fort de Danièle Sallenave : où en est la liberté d’expression en France depuis les attentats d’octobre 2020 ?

« La parole tombe d’en haut. Le silence règne en bas. » L’auteur résume ainsi la situation où le discours officiel omniprésent étouffe et interdit tout débat. Selon E. Macron, « Nous sommes en guerre », et c’est bien à un vrai « bourrage de crâne, auquel sont soumis les citoyens. D. Sallenave les appelle les « Innombrables », tous ceux qui restent silencieux, parce qu’ils n’ont pas accès à la parole publique, droit déjà refusé aux Gilets jaunes. Quant à ceux, comme les universitaires  qui ont osé contester le discours officiel, ils sont censurés, diabolisés ; ce sont des « islamo-gauchistes ».

Contre ce manque de démocratie, D. Sallenave plaide pour le débat, la liberté d’expression qui ne doit pas être un droit formel. Et elle en vient à la question de l’école de la République, à laquelle elle est passionnément attachée. Il faut donner au plus grand nombre une solide formation, fondée sur l’argumentation rationnelle ; elle distingue de façon très claire « principes » et « valeurs ». « Là où la République est solide, c’est dans l’appel à ses principes. La charge émotionnelle du mot « valeur » est grande, trop grande, elle vient tout balayer. Au point même de suggérer la pire des impudences aux plus acharnés : dans cette guerre à outrance, l’état de droit devrait faire place à l’état d’exception, autant dire nos principes céder devant « nos valeurs »

Elle s’interroge longuement aussi sur la caricature de Mahomet utilisée comme support pédagogique de la liberté d’expression. « L’opposition civilisation /barbarie est une impasse » écrit D. Sallenave. L’exercice  de la liberté d’expression est la condition de la souveraineté du peuple.

Le livre de Danièle Sallenave tombe au bon  moment.